(Lire cet article vous demandera un peu de temps : merci de le prendre,
ou en tout cas merci d’être passé par mon site n’hésitez pas à le faire vivre ! )
Parce qu’il y a des périodes un peu plus difficiles que d’autres, il est parfois bon d’écouter et d’accueillir la réflexion de certains spécialistes : « “Faire son deuil’ est un paradoxe absolu, le deuil est par excellence un moment d’impuissance. Un événement réel nous percute, et nous n’y pouvons rien. Or le verbe “faire” sous-entendrait qu’on pourrait y opposer un acte, une volonté, quelque chose… Malgré nous, nous avons toujours besoin de croire que nous pouvons agir devant un événement. Aussi révélatrice soit-elle, cette expression m’apparaît néanmoins inappropriée. Car il semble que, dans le deuil, tout le travail consiste plutôt à aller dans le sens de l’impuissance, de l’acceptation de la perte. Il s’agirait plutôt de “défaire son deuil” »* écrit Anne Dufourmantelle,
Les propos d’Anne Dufourmantelle philosophe et psychanalyste française (née en 1964) peuvent apporter un éclairage rassérénant lorsqu’on traverse une période troublée par la perte d’un être proche.
Je vous propose –si vous en avez envie, besoin, de partager d’autres de ses propos, tenus dans la revue « Philosophie » il y a quelques années :
« Les tombes, sépultures, actes juridiques, testaments retrouvés, lettres d’adieu ont un rôle : tous ces marqueurs extérieurs aident le sujet à se délivrer d’en être le seul dépositaire. Ils rendent le deuil dicible (exprimable) et partageable. Dans les thérapies, on constate qu’aller se recueillir sur une tombe, faire rétablir un nom d’enfant mort oublié, entretenir la mémoire peuvent être des moments clés d’une cure. C’est la reconnaissance pour un vivant qu’il peut laisser aller le mort à sa mort et accepter la vie. »
La mort a souvent une place un peu taboue dans notre société : cela –et à juste titre- dérange.
Certaines personnes évitent les endeuillés (ce n’est pourtant pas une maladie contagieuse) ou elles ne savent pas vraiment quoi dire, alors que le plus simple est d’écouter de façon disponible sans conseil sans jugement celui qui vit la disparition de l’Autre. La peine est lourde à porter : un moment, un geste, un mot un sourire en allège le fardeau !
La société, pour suppléer à notre fragilité due à ce moment douloureux, propose une aide …commerciale! Et avec condescendance ce commerce nous dépossède parfois de nos propres missions. Pourtant celles-ci nous aident à avancer vers l’acceptation. Comme dans tout deuil on sait qu’il faut plus ou moins passer par les phases* le choc, l’incrédulité, parfois le déni, la colère, l’expression par la dépression ou le chagrin qu’entraine le constat, ou, la nouvelle d’un décès avant d’accepter la perte de cet Autre ! Seul le temps aidera à appaiser le chagrin, mais être entouré, se faire accompagner peut également nous aider dans cette étape tragique.
Croyant ou pas à la vie après la mort , chacun parcourt son chemin intérieur du deuil à sa façon, c’est un parcours mystique mais surtout irrationnel : nous pensons que nous avons intériorisé la mort de celui qu’on aimait , que ça va mieux, et, tout à coup une vague émotionnelle nous submerge comme ça de façon quasi inexplicable. Ou encore au cœur de ces nuits sans fond, un rêve, où passé présent futur s’entremêlent, nous éveille, abruptement, le manque est cruel, on est là comme au-dessus du vide : angoissant, angoissé.e !
Il n’y a pas de bonnes ou mauvaises manières pour entreprendre ce cheminement personnel, vers ce, qui de toute façon ne sera plus jamais tout à fait comme avant ! La patience et le courage de donner du temps au temps, aident bien sûr à l’atténuation de la douleur (étymologie du mot deuil): mais chacun, avec ce qu’il est, ce qu’il a reçu, comme il a vécu, chemine à son rythme : ce qui est sûr c’est que la route est longue, chaotique et qu’aujourd’hui prendre le temps de vivre de tels événements n’est pas forcément accepté, acceptable !
Il ne s’agit pas, bien sûr d’être dans l’affliction permanente dans le désarroi et les larmes (qui par ailleurs, libèrent) non : on peut même s’autoriser à être heureux mais il s’agit de s’écouter pour ne pas refouler ce chagrin, de parler (même seul.e) pour ne pas bloquer ce « travail » nécessaire, de faire évoluer l’attachement que l’on avait avec la personne disparue pour en faire de façon résiliente une source d’énergie et reprendre le goût du risque de la vie !
Anne Dufourmantelle était une de ces femmes qui aimaient prendre des risques : « La vie tout entière est risque. écrivait-elle . Vivre sans prendre de risque n’est pas vraiment vivre. C’est être à demi vivant »: elle en avait même écrit un livre recommandable : « l’éloge du risque » **!
Malheureusement ,c’est en voulant sauver deux enfants de la noyade qu’elle a trouvé la mort l’été dernier dans le Var : Aujourd’hui je dois une certaine reconnaissance à ce qu’elle a su léguer à nous ses lecteurs qu’elle aide encore au-delà de sa disparition !
Sylvie Etiève
Si vous êtes de la région Centre, j’encadrerai des groupes de paroles sur cette thématique (liés pour certains à : ” aidant et après”) n’hésitez pas à contacter les organismes qui les proposent.
Je dédicace cet article à ma mère Claudine ( décédée le 5 novembre 2017) à qui je dois tout ce qu’un enfant doit à sa mère quand elle a été ce qu’elle fut :
« Maman, avec papa, comme sur la balançoire de notre portique, vous nous avez poussés dans la vie avec ce va-et-vient nécessaire au cheminement vers l’âge adulte. Aujourd’hui une corde de la balançoire se casse : la chute, bien que prévisible fut-elle, est un peu brutale pour nous tous ! Mais on réagira car vous nous avez insufflé suffisamment d’Amour pour nous relever et avancer. » (Extrait du texte d’hommage -SE portrait PLDE)
*Source :
- Magazine Philosophie Octobre 2014 – Anne Dufourmantelle
- Les travaux de MF Bacqué (psychologue clinicienne)
- **Les travaux d’Elisabeth Kübler-Ross font retenir 5 étapes d’un deuil : le déni, la colère, l’expression/marchandage, la dépression, l’acceptation.
- ***L’éloge du Risque: Anne Dufourmantelle Éditeur : payot-rivage